Comme j’étais content ce lundi 15 juin de fouler à nouveau la terre de l’accueil St François à Fontenay sous bois.
Ceux d’entre vous qui ont suivi mes « live entre nous » de la période confinée savent de quoi je parle. L’ASF (Accueil St François) et son personnel soignant, fidèle au poste, tant sur place que sur Facebook!
La directrice Guylaine m’a appelé la semaine dernière pour me dire : « Laurent , enfin nous allons pouvoir offrir une animation à nos résidents. Ils viennent juste d’avoir le droit de manger au réfectoire, alors t’imagines le bonheur que ça va être pour eux de te retrouver? »
Et pour moi donc…
Nous avons donc décidé de faire autrement, pour respecter les distances sanitaires de vigueur etc..
Cette animation a donc eu lieu dans le jardin du foyer (genre d’unité protégée) de l’établissement.
Au départ nous avions parlé du magnifique jardin antique, et puis, une fois sur place nous avons trouvé que ça séparerait trop les groupes de résidents.
Souvenir d’une animation au jardin antique en juin 2018:
Plusieurs groupes, pourquoi? Je vais essayer d’être clair.
Certains ont été atteints par le virus, d’autres non.
Le groupe atteint était donc à l’écart de l’autre, c’est aussi simple que ça. Enfin aussi simple… ça ne l’a pas été pour eux pendant trois mois. Les soignantes, la directrice, et plus largement tout le personnel, les bénévoles, se sont battus contre cette pandémie, ont aussi lutté contre certaines familles récalcitrantes, ont donné leur temps, tout leur temps, et même plus, pour venir en aide aux têtes blanches dont ils ont la charge et pour qui ils ont beaucoup d’amour.
Bravo ! mille fois bravo ! C’est de gens comme vous dont on devrait parler à la une du JT, pas de petits cons qui cassent tout et ne savent même pas pourquoi…
Je suis arrivé vers 14h15 pour une animation devant démarrer vers 15h.
J’étais, dans un premier temps, très ému de revoir Guylaine (directrice), Dalida (gouvernante) et Armelle (animatrice), m’accueillir avec le sourire derrière le masque, et dans un second temps, les résidents, mais je vais essayer de vous détailler tout ça.
Les résidents de St François :
Je connais certains d’entre eux depuis 5 ans, peut être 6.
Mon émotion était grande de revoir leurs visages ce lundi là. Ils viennent de traverser une épreuve que nous sommes loin d’imaginer. Du jour au lendemain, ils ont été confinés dans leurs chambres. Pas de visites possibles, pas de sortie de chambre possible, même pour manger…
Imaginez vous un instant avoir 90 ans, ne plus avoir accès aux couloirs de l’établissement, ne plus voir vos enfants, ne plus descendre dans le hall, ne plus aller dans le jardin alors qu’il fait un temps magnifique, ne plus avoir d’animations, et rester devant votre télé qui vous diffuse des informations anxiogènes.
Ce n’est pas pensable tout de même !
Et bien ceux que j’ai revus lundi sont des « survivors » ! Ils ont traversé cette lourde épreuve et sont encore parmi nous, grâce notamment au professionnalisme de l’équipe de l’ASF.
Pendant le confinement, j’ai eu régulièrement des nouvelles de cette maison de retraite.
J’en prenais ou ils m’en donnaient car je fais un peu partie de la famille. Les filles de l’ASF (les soignantes) étaient connectées à mes live sur Facebook et j’ai fait mon possible pour que ceux qui étaient présents les soutiennent en leur envoyant les meilleures ondes possibles. Que pouvais-je faire de plus?
Je me suis souvent posé cette question pendant ces mois où j’étais enfermé dans ma « prison dorée ». Cela m’a fait prendre conscience que j’avais bien de la chance de vivre où je vivais et de faire ce beau métier de chanteur qui est le mien.
La réponse à ma question fut : rien .
Je ne peux rien faire pour aider physiquement. Les soignantes sont au front, l’orage va passer, c’est après que je serais peut être utile.
Et nous voilà donc après cette guerre, ensemble, pour quelques chansons qui vont détendre un peu l’ambiance. La musique fait tellement de bien.
Je vois donc arriver les résidents (95 % de femmes), doucement mais surement, dans le jardin. la plupart d’entre elles ont été coiffées pour l’occasion , ce qui me touche beaucoup. L’une d’elle, alors que je lui fais remarquer qu’elle est bien coiffée, m’avoue que c’est pour me recevoir et me plaire.
La plupart ont le sourire en me voyant, ce qui me fait du bien à voir. Certaines me touchent deux mots en passant, d’autres me sauteraient au cou si c’était possible.
Josette arrive.
Josette est certainement une des plus joyeuses et dynamiques de la maison. Et là je vois immédiatement que le confinement lui a fait du mal. Elle baisse la tête, n’ose pas me regarder, je la sens très fragilisée.
Josette, ça va? tu ne veux pas me regarder ?
« Je suis intimidée » répond-elle.
Je savais qu’un peu plus tard, elle recommencerai à chanter, à sourire, à remonter la pente… Sa première sortie depuis trois mois, rendez vous compte?
D’autres m’ont bien touché également: Anne-Marie, Claire, Gérard, Gabriel, et pour d’autres raisons , Nelly ou Francesca.
Francesca est cette femme Capverdienne pour qui j’aime chanter la célèbre Sodade., chanson immortalisée par Cesaria Evora.
Un fois ce petit monde installé dans le jardin, j’ai sorti la guitare et c’était parti pour une heure d’animation joyeuse.
Du Joe Dassin, du Michel Delpech, Nicoletta, Souchon…etc
Tout le monde a participé au delà de mes attentes.
C’était comme si la musique balayait tout ce qui venait de se passer , comme si ma guitare était une baguette magique, comme si tout était revenu comme avant, en janvier dernier…
J’allais et venais pendant les chansons des deux côtés du jardin pour que tout le monde en profite en même temps. Je travaille sans sono donc j’ai poussé un peu sur la voix pour cette raison.
Franchement je ne saurais pas vous dire quel côté du jardin j’ai préféré. Tellement l’ambiance, les sourires des résidents étaient égaux… Ce que j’offrais me revenait amplifié de sourires, de générosité, d’amour.
Et comme il se passait quelque chose d’inhabituel dans ce joli jardin, certains habitants de l’immeuble qui juxtapose l’établissement étaient sur leur balcon. Ils y en avait qui chantaient avec nous, d’autres qui filmaient, d’autres encore qui applaudissaient timidement. Y avait même un chat tigré, qui derrière sa baie vitrée n’en a pas perdu une miette.
Mes deux amis Namous et Chopin, étaient bien entendu des nôtres. Mes toutous chéris qui font tellement de bien aux résidents, sauf à madame L. qui déteste les chiens (comment est-ce possible?) mais qui m’aime bien … « je viens parce que j’aime votre musique, le reste je m’en fous » me répète t-elle depuis des lustres.
A la fin de l’animation, il commençait à faire frisquet et à pleuvoir trois gouttes, donc la plupart des résidents sont rentrés assez vite (merci et bravo aux soignantes pour leur réactivité), mais d’autres, dont Josette, sont restées jusqu’au bout, voir plus…
Je me suis ainsi retrouvé avec quelques groupies autour de moi, pour quelques chansons de plus, entre amis, dans leur jardin… sous la pluie légère. Autant vous dire que ce moment privilégié va rester en moi très longtemps.
J’ai abrégé pour qu’elles ne prennent pas froid mais croyez bien que j’aurais pu rester longtemps ainsi, à jouer pour 5 ou 6 personnes.
Ensuite, tout le monde est rentré, Dalida m’a offert un café, j’allais partir… quand Guylaine m’a parlé d’Hélène.
Hélène, ma plus grande fan!
Celle qui se lève lors de toutes mes animations depuis tant d’années. Celle qui guette ma voiture sur le parking quand elle sait que je vais venir ! Étonnante Hélène. Elle connaît toutes les paroles des chansons que je propose et les chante en anticipant un peu. Elle me sert donc de prompteur en cas de trous de mémoire.
Seulement Guylaine me dit qu’Hélène vient de passer une période très très difficile, qu’elle est alitée, et me demande si je veux bien aller lui jouer quelque chose dans sa chambre.
Evidemment ! Je ressors la guitare de la voiture et suis la directrice jusqu’à l’entrée de la maison St François, ayant pris soin de mettre mon joli masque blanc offert par le département de seine et marne (merci).
Anna-Rita, à l’accueil, prend ma température sans que j’ai besoin de me déshabiller, et je me dis que les progrès techniques ont quand même du bon. Température frontale prise en trois secondes. 36, 4
Je monte à l’étage avec Guylaine et Armelle (animatrice). Je croise Françoise, venue rendre visite à sa maman Jacqueline, et mon ami Henri (Henri la trompette pour les intimes), fidèle au poste, époux dévoué amoureux de sa femme Yvonne.
Quelques pas encore et me voici entrant dans la chambre de ma groupie numéro un.
Quel bonheur de voir sa réaction. « Oh monsieur Laurent, vous êtes venu avec votre guitare, oh monsieur laurent vous allez chanter? », Hélène les larmes aux yeux, et du coup moi aussi.
Bon allez je sors l’instrument et dès les premières notes de Chez Laurette, Hélène s’allume, Hélène chante, Hélène revit…
Je lui ai fait un petit concert privé : Delpech , Johnny, Fugain, Voulzy, Souchon.
Et puis je suis reparti, pas avant d’avoir repris date avec eux ( j’y serai le 2 juillet), d’avoir papoté avec Dalida, Armelle et Guylaine, et de les avoir remerciées de leur accueil, toujours aussi épatant.
A tout vite maintenant les amis de l’ASF!
Prenez soin de vous!