Au coeur de la jolie ville de Louveciennes (78), niche un bel établissement de retraite qu’on appelle Ehpad (Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes). C’est la résidence St Joseph qui fait partie de la belle association Monsieur Vincent.

http://www.monsieurvincent.asso.fr

C’est une grande bâtisse moderne (refaite à neuf depuis peu) qui peut héberger jusqu’à 120 personnes.

Elle a aussi en son sein un bel accueil de jour destiné aux personnes souffrant de début de maladie d’alzheimer.

J’y interviens depuis un an maintenant, alors les résidents et moi commençons à bien nous connaître. J’ai quelques copains dans cette maison. Ils s’appellent : Joseph, Robert et Jo. J’ai aussi quelques copines, Solange, Thérèse, Madeleine …

Quand je suis arrivé vers 14h30, Marie-Andrée , l’animatrice de l’ehpad, était en train de se démener pour installer les résidents dans la grande salle prévue à cet effet. Et les résidents sont nombreux à St Joseph.

Quelques soignantes lui donnaient un coup de main pour amener les résidents dépendants à bon port.

Marie-Andrée m’a gentiment offert un café que je suis allé boire sur la jolie terrasse en bois côté jardin. Il y avait là une famille en visite et j’ai entendu la fille de la résidente dire à sa maman : «  ça serait bien que tu ailles à l’animation musicale qui va avoir lieu tout à l’heure… t’aimes bien les chansons maman » et de fredonner « Aux Champs Élysées, pa lala lala  » .

C’est à ce moment là que je suis intervenu : «  et bien ça tombe bien , je crois que cette chanson nous allons la faire tout à l’heure... » Sur ce , je me présente , je dis à cette famille que leur maman aime chanter avec moi, je la reconnais , elle est toujours très attentive, et surtout qu’ils ne s’en fassent pas, je veillerai à ce qu’elle soit des nôtres.

En effet, cette femme toute douce et « un peu perdue » était avec nous dans la grande salle. Elle a tout chanté et elle a su rester concentrée pendant une heure. Sa fille l’a accompagnée à l’entrée de la pièce puis elle est partie. J’aurais bien aimé qu’elle puisse rester avec sa maman pour chanter en famille, comme on faisait avant 2020…mais ce n’est plus possible. On ne chante plus en famille dans les ehpad.

Après cet épisode en prenant mon café, je me suis préparé à chanter.

Ça veut dire quoi exactement ?

Ça veut dire que je passe une chemise propre, que je fais le tour des résidents installés, un petit mot pour chacun (ma façon de sonder l’ambiance possible, d’évacuer un peu le trac, de rigoler avec certains, d’écouter les misères des autres…)

Ça veut dire aussi attendre que l’équipe ait fini d’installer les gens. C’est jamais gagné ça. En général au moment où je commence à chanter et pendant les trois premières chansons, les soignantes débarquent avec des fauteuils roulants, demandent haut et fort où elles peuvent installer les résidents, ne se rendent pas compte une seconde qu’il est en train de se passer quelque chose dans la salle, qu’il y a un type qui chante et joue sans sonorisation, qui aimerait que les personnes en place ne soient pas trop déconcentrées.

Juste avant de jouer les premiers accords, j’ai vu une dame (en visite) passer la tête dans la salle. Je lui ai demandé si elle cherchait quelqu’un ? Elle m’a répondu « non merci mais je suis un peu désespérée car j’essaye d’inciter ma soeur (résidente) à venir à la fête et elle ne veut pas… »

Je lui demande : «  elle est où votre soeur? »

Et bien dans le hall , elle est assise là bas…

Il n’en fallait pas plus pour que je parte, guitare en bandoulière, en direction du hall pour aller essayer de décider cette dame.

Quand je l’ai vue , j’ai immédiatement reconnue une de mes groupies préférées. Elle s’appelle Edith, elle vit à l’unité protégée de la maison et j’ai de très bons souvenirs avec cette jolie femme qui danse atour de moi et fait de gracieux gestes en chantant.

Je vais vers Edith et lui dit : «  Coucou , bin alors qu’est ce que tu fais ? Il faut que tu viennes avec moi pour chanter , j’ai besoin de toi, je ne peux pas commencer si tu n’es pas là. »

Et là mon Edith sort son plus beau sourire, me prend le bras et me suis jusqu’à la salle d’animation. Et si je vous disais qu’Edith a été une des vedettes de l’après midi , vous me croyez?

Sa soeur a eu l’exceptionnelle permission de rester avec nous. Elle a été très discrète , et elle n’a pas perdue une miette des chorégraphies de sa frangine. Elle affichait un sourire rare. Le sourire de celle qui aime sa soeur et qui est heureuse de la voir faire encore plein de choses malgré sa pathologie.

Edith a tellement donné de sa personne qu’à la fin elle était épuisée mais semblait (en discutant avec elle) avoir retrouvé une bonne partie de sa tête… et de sa jeunesse.

J’ai été heureux de ce moment familial. C’est pour ça que j’aime tant mon métier.

La grande salle était archi comble, on a dû ajouter quelques chaises pour les retardataires et certains étaient dans un recoin, un peu à l’écart mais je n’ai pas oublié de leur rendre visite de temps en temps.

Mon copain Joseph n’avait pas amené sa guitare cette fois-ci mais il avait son harmonica dans la poche, et puis il est venu chanter La maladie d’amour (à sa demande) en duo avec moi. J’adore ce type là. Il est plein d’empathie, il file un coup de main pour pousser les fauteuils et raccompagne volontiers les dames sur le pas de leur porte. Il est plein d’amour ce Joseph là.

Ce mercredi  24 février, on a mis le feu à l’ehpad St Joseph .

C’est parti au quart de tour, grâce à l’enthousiasme de certains résidents qui se sont spontanément levés pour danser et faire la fête dès les premiers accords de guitare, et grâce aussi au dynamisme et à la gentillesse de Marie Andrée et de sa jeune stagiaire , Aure.

Côté répertoire, que du « qui bouge et qu’on peut chanter dessus ». Les résidents de St Joseph avaient semble t il  ce mercredi là plus envie d’être acteurs que spectateurs, et c’est tant mieux.

J’ai fait la rencontre d’un nouveau résident, André (chemise à carreaux sur la photo), dynamique et ayant une super jolie voix, et en plus de ça très sympathique monsieur. Un nouveau copain pour les futures animations.

Les anciens copains, Joseph et Robert, ne sont pas restés les bras croisés et la langue dans leur poche. Robert, debout avec sa canne, invitant ces dames à danser … que du bonheur.

Marie-Andrée a mis le paquet pour motiver les résidents pendant que je chantais. Un grand merci!

Il y a eu quelques moments inoubliables, comme celui où tout le monde était allé s’assoir et que nous avons enchainé les titres d’Edith Piaf. J’ai eu le droit à une « vie en rose » comme j’ai rarement entendue.

A la claire fontaine aussi.. très beau moment de partage en chanson.

Et puis les titres de Claude François, Joe Dassin , Michel Delepch! Tout le monde se trémoussait , debout ou assis.. merveilleux!

Les vingts dernières minutes je les ai consacrées au Ukulélé. En effet j’étais venu leur présenter mon nouveau copain (Uku) et je crois qu’ils ont vraiment apprécié. Certains m’ont posé des questions sur l’instrument et d’autres ont eu envie de poser les mains dessus.

Bambino, L’école est finie, et quelques autres chansons jouées au ukulélé, avec un cadeau spécial pour ma copine Thérèse, résidente Italienne pour laquelle je ne manque jamais de chanter dans sa langue natale, tout près d’elle. Cette fois-ci je lui ai chanté O Sole Mio, accompagné de mon ukulélé. Elle était ravie!

Par contre Thérèse n’était pas contente car son anniversaire  est en mars et que je ne retourne à St Joseph qu’en avril. Elle s’est plainte auprès de l’animatrice qui n’y peut rien car il a été décidé qu’en 2021 je serai présent un mois sur deux.

Nous avons célébré quelques anniversaires dont celui de Marie:

Marie m’a dit à la fin qu’elle était très touchée par ce moment musical qui lui avait rappelé tant de belles choses, et notamment son mari disparu.

Parmi les anniversaires du jour il y avait celui de Madeleine, 91 ans.

Madeleine  qui n’est pas au mieux mais qui était quand même parmi nous. Le petit sourire qu’elle m’a offert après sa chanson d’anniversaire m’a bien ému. Madeleine a été ma première  groupie à St Joseph, lors de mon premier passage chez eux. Les soignantes m’ont dit qu’elle avait deux photos de moi en évidence dans sa chambre.

Joseph a sorti son harmonica et nous a joué quelques airs.

Après m’être changé et avoir plié mes affaires, je suis reparti le coeur joyeux, leurs sourires et leurs voix plein la tête.

Un grand merci et bravo à tous ! Cette journée va restée en nous tous comme un très beau souvenir.

Prochain rendez-vous à St Joseph fin avril pour d’autres anniversaires.