Cet article a été publié le 22/02/18, Je le remets en ligne pour rendre hommage à ce grand artiste à l’occasion du sixième anniversaire de son départ prématuré vers l’au delà.
J’ai eu bien de la peine en apprenant la disparition de Didier Lockwood ce 18 février 2018.
Il laisse derrière lui une empreinte très profonde dans le Jazz Mondial (et pas que), un nombre incalculable d’albums, un son et un touché très particulier, et de beaux souvenirs plein la tête pour ceux qui ont eu la chance de le voir sur scène.
La France perd un de ses plus talentueux musiciens, un homme d’exception.
L’énergie qu’il dépensait sur scène était impressionnante et il le disait lui même à la fin de ce show en solo au festival de Vienne en 2009 : « Je ne ferai pas ça pendant trente ans… ».
Didier Lockwood a démarré sa carrière au milieu des années 70 au sein de ce groupe mythique :
Fils spirituel de l’immense Stéphane Grapelli, il a élevé son art au delà de toute imagination.
Il a joué dans le monde entier. Il s’est entouré des plus grands noms du Jazz. Il a mis le pied à l’étrier à un grand nombre de musiciens. Il a souvent joué avec des jeunes « Jazzeux » sur scène et je peux vous dire pour l’avoir vu maintes fois qu’il ne volait la vedette à personne.
Il avait une « patte » reconnaissable dès les premières notes, ce qui n’est pas le cas de tous les musiciens. Je crois même qu’il a créé un style. Le style Lockwood…
Je vous conseille vivement le coffret 3 cd ci-dessous (vous cliquez sur la photo en lien avec amazon.fr), 3 albums que je considère comme somptueux, c’est une aubaine de les trouver en coffret.
A découvrir pour vous faire une idée des multiples talents de cet homme là :
Son côté « titi Parisien » était en adéquation avec sa simplicité, ce qui faisait de lui quelqu’un de facile à aborder, proche du public.
Il aimait découvrir des nouveaux talents et les mettre en valeur , comme ci-dessous dans ce petit bijou rythmique avec Fiona Monbet et Diego Imbert… Et bien sûr l’illustre Biréli Lagrène.
Et ça c’est franchement bien aussi, même si c’est filmé dans le public et que le son s’en ressent, la magie est intacte… c’était tellement ça Didier Lockwood (ici en compagnie de Vincent Peirani et David Enhco), et puisque c’est Spain qu’ils jouent et que j’ajoute cette vidéo le 18/02/21 ça me permet de rendre hommage à Chick Corea récemment disparu.
Pour ma part, j’ai eu la chance inouïe de croiser ce musicien hors pair et d’un peu fréquenter cet homme charmant.
Nous sommes en 2004. Je réside dans un village proche de Barbizon où habite Didier Lockwood.
Il a monté et dirige une école prestigieuse qui porte son nom : Le centre des musiques Didier Lockwood ( le CMDL) à Dammarie les lys tout près de chez moi.
Le député maire de Dammarie, Jean Claude Mignon, est très fier d’accueillir cette école dans sa commune et il a fait en sorte que cela soit possible. Ce député là aime sincèrement les artistes. Ensemble ils ont réussi à faciliter l’accès à l’enseignement musical à tous les élèves les plus défavorisés. Chapeau!
Jean Claude et moi faisons très vite connaissance et sympathisons. Il me propose de rencontrer Didier Lockwood. Nous déjeunons tous les trois, tout se passe au mieux.
Ce qui me marque le plus lors de ce déjeuner est la drôlerie et la gentillesse de celui que je considère comme le violoniste le plus « rock n’roll » du Jazz.
Plus tard, nous nous croisons de temps en temps comme « voisins », nous parlons cyclisme, politique, vie sociale, mais très peu de musique. Didier sait le travail que je fais avec Michel Delpech mais la variété l’intéresse peu à vrai dire et il a tendance à confondre certains chanteurs. De mon côté je ne suis pas assez calé en matière de jazz.
Chaque année, un rendez-vous est inmanquable à Dammarie les Lys, le festival « violons croisés »
Violons croisés :
Festival organisé et dirigé par D.Lockwood au mois de septembre les 10 premières années, et décalé en juin depuis 2009 (de mémoire).
Lockwood s’y produit et tient la scène pendant environ 4 heures ( même 5h parfois). L’idée du Festival est de mélanger le Classique, le Jazz, les musiques du monde , autour d’un instrument, le violon, le sien.
Le public répond présent chaque année, quel que soit le temps, car les premières sessions de « violons croisés » ont lieu en extérieur.
Chaque année Jean Claude Mignon avait la gentillesse de m’y inviter. J’étais ravi d’être là.
La première partie était toujours assurée par les meilleurs élèves du CMDL. Didier jouait avec eux. Ensuite il enchainait avec des grands noms du « classique » venus défendre leurs couleurs, et plus tard dans la soirée il nous offrait un concert entier avec sa formation de Jazz.
En tant que géant du Jazz, Didier Lockwood partageait la scène avec des gens comme John Mc Laughlin, ou encore Mike Stern.
Euh… Mike Stern , guitariste de Miles Davis. Moi je l’appelle le « Mick Jagger du jazz ».
Le niveau était très très élevé. Voilà ce que Lockwood était capable d’amener à Dammarie les Lys, devant un public populaire.
Je me souviens du festival ou Mike Stern était là. La batterie était tenue par Billy Cobham!
Je n’en croyais ni mes yeux ni mes oreilles!
Comme je faisais partie des privilégiés qui ont accès aux coulisses « after show » pour prendre une coupe et saluer les artistes, j’ai demandé à Didier de me présenter Billy Cobham. Quel type adorable ! Sa grosse frappe de batteur est à la hauteur de son immense gentillesse.
Quel souvenir pour moi…
Allez cadeau ci-dessous : Bon ce n’est pas avec Cohbam mais avec Dave Weckl , donc de toutes façons du très très sérieux.
Inauguration de l’espace Nino Ferrer :
Nous sommes en 2005 je crois. Le maire de Dammarie cité plus haut, J.C. Mignon décide de baptiser une salle de spectacle du nom d’un de ses amis trop tôt disparu, Nino Ferrer.
Deux artistes viennent couper le ruban. Didier Lockwood et Michel Delpech ( qui accepte par amitié ).
Une fois dans la salle. Discours très touchant du maire devant un large public et la famille de Nino Ferrer.
Michel Delpech improvise un petit speech.
Didier Lockwood, en solo, aidé d’un pédalier, nous a offert la plus belle version qu’il soit de « La maison près de la fontaine ». La salle très émue a offert en retour une « standing ovation » d’une dizaine de minutes.
C’était surtout ça Lockwood. Un homme généreux et simple, partageant sa passion à la moindre occasion. Comme ici :
« Dans le métro« :
Nous sommes en 2008, je croise Didier devant chez lui. il me dit : « Hey Laurent, calons un déjeuner ensemble à mon retour de Chine dans un mois ». euh…Ah non dans un mois je ne suis pas libre … Je plaisante Didier, bien sûr trouvons une date !
Le mois suivant nous nous retrouvons dans une petite auberge sympathique à deux pas de chez lui, à Saint Martin en bière.
Il me dit : « Tu fais quoi en ce moment Laurent? »
Moi : « En ce moment j’enregistre les rythmiques de mon propre album que j’auto-produis »
Lui : « Ah c’est bien ça, c’est courageux. Qu’est ce que je peux faire pour toi? »
Moi (en riant): « Bin… euh…. deux notes de violon sur un titre… même une seule si tu veux »
Lui : « Ok . Amène moi la chanson à la maison . Je te fais ça dans mon studio… D’ailleurs je voulais te dire que si t’as besoin d’un studio pour bosser, je m’absente souvent donc tu peux squatter… enfin les jours où « Thomas et David » (ses beaux fils) ne squattent pas bien sûr. »
Ça s’est passé exactement de cette manière. Voilà comment je me retrouve avec le violon de Didier Lockwood sur ma chanson.
L’album n’est jamais sorti. Cette chanson – Dans le métro – non plus.
La générosité de Didier Lockwood c’était ça aussi.
Trois personnalités ont généreusement et amicalement participé à mon album : Manu Lanvin ( guitares , banjo), Michel Delpech (qui a fait les choeurs sur une chanson dont il avait signé le texte) et Didier Lockwood et son violon magique.
En écoutant le mix définitif, il m’avait dit : « Bon en prenant le temps on aurait pu mieux faire« . Il a joué sa partie de violon (et pas que deux notes évidemment) entre deux voyages au bout du monde.
Il refusait systématiquement les demandes sur les disques de variété. En ce qui me concerne, il n’y a pas eu de demande, il avait envie de me faire plaisir.
Sans le vouloir cette chanson a su réunir deux ex-musicens de Magma , Didier Lockwood et Gérard Bikialo (Piano Fender Rhodes), et s’il n’avait pas été en Amérique sur une tournée nous en aurions eu un troisième en la personne de Bernard Paganotti qui m’avait gentiment proposé de jouer les basses de l’album.
J’ai revu plusieurs fois Didier après cet épisode, notamment au golf. Il avait décidé que le golf était fait pour lui, pour canaliser son énergie, alors nous allions de temps en temps jouer ensemble. Je n’ai jamais vu un joueur aussi impatient sur un parcours. Il jouait au golf à deux mille à l’heure, comme il jouait du violon, comme il vivait…
Didier Lockwood était un être entier et vivant. J’ai du mal à accepter qu’il nous ait quittés subitement à 62 ans. Alors oui j’ai bien de la peine…
Il laisse au gré du vent des milliards de notes venues apporter un peu de baume à nos âmes et un peu de bonheur sur terre…
J’ai pris un peu de temps pour écrire ces quelques lignes. Je voulais trouver les mots les plus justes possibles… Mais finalement un seul mot pourrait résumer le tout : MERCI
Très bel hommage que tu rends à cet artiste de talent que je ne connaissais pas et que tu m as fait découvrir ! Merci pour lui !
À bientôt !!
Marilou