Voici donc le 7 ème volet de cette belle histoire d’amitié à travers la création d’un album: Comme Vous.
Michel Delpech nous a quitté il y a bientôt deux ans. Il nous laisse ses chansons en partage. Il me laisse un vide amical impossible à combler, des souvenirs plein la tête, et des chansons faites ensemble.
Avant que ma mémoire me joue des tours, je la triture, je fouille dans ses moindres recoins, pour vous livrer ces quelques chapitres qui parlent de lui, de nous, des autres, d’un album particulier, un album de copains.
Michel Delpech : L’album « Comme vous »
Chapitre 7 : 1ère Partie
Les autres musiciens et autres instruments:
J’ai tenté, à travers les précédents chapitres de vous faire partager les séances d’enregistrement en studio, comme si vous étiez des nôtres. J’ai cherché les mots les plus justes pour décrire au mieux l’ambiance dans laquelle nous étions.
Où en sommes nous maintenant dans notre travail ?
Les rythmiques sont posées, les voix témoins aussi (voir chap.4)
L’album commence à avoir une couleur.
Les textes, les mélodies, les instruments, le son, tout nous semble être cohérent. Nous sommes rassurés et nous savons que la direction est bonne, le casting aussi.
Mais nous devons rester vigilants chaque seconde. Rien ne doit nous échapper. Heureusement nous sommes deux, nous pouvons parler. Dès que l’un de nous deux à des doutes, il en fait part à l’autre.
C’est très agréable de travailler en binôme quand on est exactement sur la même longueur d’ondes et dans un rapport humain d’une grande honnêteté et d’une grande franchise.
L’équipe de base est soudée avec nous, c’est d’autant plus rassurant. Les musiciens, techniciens, se donnent beaucoup de mal pour cet album.
La force de Michel est de faire ressentir à tous les participants que cet album est aussi le leur. Il n’est pas tyrannique pour un sou et considère vraiment les autres avec bienveillance. Ce n’est plus de la diplomatie mais une véritable ouverture. J’ai appris ça aussi avec lui, j’avais un léger manque à ce niveau là.
Rester vigilant disais-je? Surtout que nous étions sur le point de fignoler certaines chansons, « leur mettre leurs robes du soir » comme disait Delpech.
C’est au moment d’ajouter de nouveaux instruments, ceux qui n’interviennent que sur une chanson que nous ne devons pas nous assoupir, rester sur nos gardes. Il nous faut aussi rester lucides et ne pas trop en ajouter.
Les musiciens additionnels ne sont pas dans l’ambiance avec nous depuis le début des enregistrements. C’est donc difficile pour eux de « rentrer dans l’histoire » et ils le savent.
De notre côté, c’est très excitant d’entendre d’autres instruments, de voir d’autres talents intervenir sur cet album.
La priorité absolue est de ne pas perdre la couleur du disque!
« Ne pas nous laisser embarquer ailleurs »
Le premier titre qui a accueilli un autre musicien a été : Petit Pays.
Titre qui à ce moment là s’appelait encore Petite France, que nous avons dû rebaptiser à cause d’une personne malveillante.
Je rapporterai toute la vérité sur chaque titre, de sa création à sa diffusion quand j’écrirai « histoires de chansons » en début d’année prochaine, et cette chanson n’y échappera pas. J’aime énormément ce titre. Il y a un tel climat là dedans!
Mais nous n’en sommes pas là. Nous avons un titre à enregistrer et pour cela nous avons Gérard Bikialo, qui est déjà dans l’équipe, et nous accueillons Denys Lable.
Denys Lable, talentueux guitariste ayant accompagné Cabrel (entre autres) pendant de longues années, est plutôt à son aise quand on lui propose de faire les guitares sur cette chanson. C’est un peu blues, il a l’instrument et le jeu qu’il faut.
Vous aimez les guitares électriques des albums Samedi Soir Sur la Terre, Sarbacane, ou encore Hors-Saison? Ce sont celles de Denys Lable.
Ces trois albums ont été réalisés par Gérard Bikialo dont je parle assez longuement dans le chapitre 4
Avec Bikialo à l’orgue Hammond, Denys Lable et sa demi caisse Gibson et Christophe Marais au son, ça devrait le faire.
Et ça l’a fait.
Michel Delpech a chanté en voix témoin avec eux lors de la prise instruments. Pour moi c’était ambiance « poils hérissés » pendant toute la durée des enregistrements.
Ils ont joué exactement ce qu’il y avait dans ma tête, en mieux.
Sur le final de la chanson, Michel voulait un saxo ténor, un peu sombre, sans trop de notes jouées.
« Un saxo qui joue dans un polar Américain en noir et blanc » disait il.
Nous avons fait confiance à l’excellent Pierre Bertrand qui nous a donné satisfaction.
Là ça a très bien fonctionné mais parfois ça a cloché.
Par exemple nous avions prévu des cuivres sur Solidaire de mes frères et des flûtes sur Dans chatou qui dort . Et au bout du compte nous n’avons rien gardé de tout ça.
Les enregistrements ont eu lieu. Je ne remets pas en question le talent des musiciens, loin de là, mais ça n’a pas marché.
Je parlais plus haut de la difficulté d’adaptation possible pour un musicien additionnel qui vient pour un seul titre. Il faut se mettre dans l’ambiance, dans l’univers du disque déjà bien avancé. Nous nous sommes trompés.
Nous voulions autre chose question cuivres, quelque chose de plus « New Orleans ». Nous n’avons pas su dire stop avant les prises. Les arrangements m’avaient été soumis en amont sur papier , et je ne lis pas la musique donc on m’avait chanté ce qui était écrit. J’ai cru que ça passerait, j’ai eu tort.
Pour les flûtes, même combat.
Nous nous retrouvions Michel et moi comme deux mômes qui auraient cassé leurs jouets.
Et pourtant, le soir après la séance, une fois les musiciens libérés, lorsque nous nous sommes rendus compte que ça n’allait pas marcher, nous sommes partis dans un des plus grands fous rires que l’on ait pu avoir ensemble.
Ça nous arrivait souvent les fous rires, très très souvent, mais là il y avait quelque chose de surréaliste. Vous savez le fou rire que l’on essaye de retenir, celui où l’on ne peut absolument pas se regarder sinon ça part en live. Celui qui fait mal au bide.
On avait tout faux sur deux titres et nous piquions un fou rire. Cela était très gênant, comme un fou rire à un enterrement… Ce sont les pires mais aussi les plus drôles et les plus longs.
Il était hors de question que nous fassions dépensé un sou de plus à la maison de disques sur ces deux morceaux. Et là nous allions devoir réparer nos jouets nous-mêmes.
Pour « Solidaire de mes frères », c’est moi qui ai rectifié le tir.
Pour « Dans Chatou qui dort » c’est Michel.
Avec le recul, je me dis que cet épisode de « ratage » valait la peine d’être vécu. Aujourd’hui j’échangerais bien toutes les bonnes séances d’enregistrement de cuivres du monde contre un fou rire avec mon copain.
Solidaire de mes frères : Laurent Loulier
Nous avons d’abord essayé des choses synthétiques. Par exemple j’ai trouvé une petite mélodie que j’ai joué au synthé avec un son de bandonéon. On l’a gardé (tendez bien l’oreille pour la repérer) mais ça ne suffisait pas.
Il y a avait plein de plages musicales non remplies dans la chanson. La place des anciens cuivres en somme.
Un soir où Michel avait des obligations professionnelles, je suis resté seul au studio, enfin pas tout seul, avec les deux acolytes du son: Christophe Marais et Ludovic Palabaud.
J’ai appelé mon ami Laurent Loulier.
Laurent m’accompagnait au piano lors de soirées privées et je sais qu’il jouait du violon. Il n’est pas professionnel mais il joue bien et son enthousiasme légendaire pouvait faire le job.
Allo Laurent , que fais tu ce soir? rien de spécial ? ça tombe bien. Ça te dit de passer au studio acousti avec ton violon?
Une heure après l’ami Loulier était en cabine, violon à la main, dans un des meilleurs studios Parisiens, avec dans son casque un son énorme « façon Marais » pour jouer sur le dernier Delpech.
Je ne lui ai jamais demandé la dose de trac qu’il avait dû avoir mais je l’imagine!
Avec le recul, je ne sais pas si j’ai su le mettre à l’aise. Je l’ai peut être stressé car je stressais moi -même. Je risquais gros car je faisais confiance à un pote, nous avions peu de temps, Michel était absent. Je n’avais pas envie que l’on jette ce titre.
Au bout du compte, après une bonne séance en chaussettes pour l’ami Laurent (le violoneux qu’il est a tendance à se laisser aller à taper fort du pied quand il joue, sauf que le micro Neumann qu’il avait devant lui prend tout! même le tic-tac des montres! ), nous avons gardé son violon sur la chanson.
Le lendemain, à l’écoute, Michel était ravi. Laurent nous a sauvé la mise.
Pour le remercier nous avons invité Mister Loulier à nous rejoindre sur les scènes du Bataclan et de la Cigale sur le titre Solidaire de mes frères. Un grand merci Laurent!
Il nous restait à sauver Dans chatou qui dort. C’est de l’ami Delpech qu’est venue l’idée.
Je vous raconterai ça prochainement dans la seconde partie de ce chapitre…
Je vous rappelle qu’en cliquant sur l’image de l’album « comme vous » ou sur les titres écrits en bleu, vous êtes dirigés vers Amazon.fr via un lien que j’ai choisi avec soin pour vous.
TOUJOURS SUPER…. j’aimais bcp aussi » comme on s’traite.. »..
Bise Laurent
Didier
Merci Didier
Comme on s’traite c’est l’album Sexa, donc … là pour l’instant je raconte « comme vous » ..
mais moi aussi j’aimais bien « comme on s’traite » même si je ne suis pas fan de la réalisation.
A bientôt